Pour rappel, avant cette réforme, c’était l’indice du coût de la construction (ICC) publié chaque trimestre par l’INSEE qui, constituait (depuis 1953) l’indice de référence permettant de faire évoluer le loyer, que ce soit dans le cadre d’une révision triennale dite légale ou dans le cadre d’une clause purement contractuelle d’indexation annuelle.
Plus récemment, et ce notamment durant les années 2000, cet indice INSEE du coût de la construction a subi une inflation historique, étant d’abord précisé que cet indice a toujours évolué en fonction de deux paramètres :
- le premier paramètre est lié à un échantillon de prix de vente de logements anciens que choisit l’INSEE afin de regarder d’une année sur l’autre comment ces prix évoluent
- le second renvoie à l’évolution des prix de revient des matériaux de construction
Or, l’inflation stupéfiante de ces deux paramètres a directement impacté cet indice et on a pu constater qu’entre 2002 et 2013 sa hausse cumulée avait pu dépasser 50 % !.
Cette situation a conduit le législateur à une réflexion de fond sur le choix et la nature des indices véritablement adaptés à l’évolution des loyers des entreprises.
En effet, vu que l’indice du coût de la construction était susceptible de subir une sacrée volatilité vis-à-vis de locataires qui n’étaient pas toujours parés pour faire face à de telles augmentations, il a été décidé au moment de la réforme PINEL de faire référence à deux autres indices :
- le premier indice résulte d’un décret du 04/11/2008 et vaut « Indice des Loyers Commerciaux » (ILC)
- le second indice résulte d’un décret du 29/12/2011 et vaut « Indice des Loyers des Activités Tertiaires » (ILAT)
En effet, on constate une baisse consécutive de l’ILAT depuis trois trimestres
Pour résumer, il appartient désormais aux parties (bailleur et preneur) de retenir :
– soit l’ILC, dès lors que le bail concerne à titre unique ou prédominant des activités commerciales, artisanales ou industrielles,
– soit l’ILAT, dès lors que le bail concerne à titre unique ou prédominant des activités tertiaires (et donc les bureaux) ou logistiques (à travers les entrepôts).
Or, il était clair que l’objectif majeur lié au choix de ces indices visait à éviter par la suite une inflation aussi conséquente que celle constatée auparavant pour l’ICC.
Pour autant, nul n’a pu anticiper qu’à cause de la crise sanitaire et ses retombées économiques, ces indices ILC et ILAT allaient eux-mêmes subir des variations plutôt étonnantes, et ce même désormais à la baisse !…
En effet, on constate une baisse consécutive de l’ILAT depuis trois trimestres (à cause de la baisse du PIB qui influence directement son calcul à hauteur de 25 %) et lorsque l’on voit que l’indice du quatrième trimestre 2020 a baissé de plus de 1 %, cela va directement impacter les revenus locatifs des bailleurs qui ne s’attendaient pas à subir une telle évolution.
Quant à l’indice des loyers commerciaux, on s’attendait également à sa baisse et elle a été actée très récemment, puisque l’ILC du quatrième trimestre 2020 a subi le même sort que l’ILAT, à cause de la détérioration significative de l’ICAV (indice de la dynamique du commerce de détail) qui conditionne le calcul à hauteur de 25 %.
Qu'est-ce que cela signifie à plus ou moins brève échéance ?
Cela signifie tout simplement que si ces indices référents continuent à baisser, tous les loyers des baux commerciaux vont directement subir cette évolution négative, que ce soit dans le cadre d’une révision triennale ou d’une clause d’indexation annuelle.
Naturellement, on ne peut pas du tout préjuger de l’avenir et supposer que cette baisse s’inscrira dans la durée (bien au contraire), mais pour l’instant cette évolution a vraiment de quoi surprendre et c’est là qu’éventuellement les bailleurs (et leurs conseils) pourraient réfléchir à l’intégration dans les baux de clauses permettant d’éviter que cette baisse pénalise l’évolution de leurs revenus … Mais ce serait faire totalement abstraction de l’évolution entretemps de la jurisprudence …
En l’occurrence, si l’on se réfère à des pratiques contractuelles antérieures à la réforme PINEL, les bailleurs ont négocié des clauses d’indexation annuelle interdisant aux loyers de baisser, et ce même en cas de baisse de l’indice afin de pallier, le cas échéant, sa dégradation.
Mettre en place aujourd’hui une clause qui interdirait aux loyers de baisser en cas de baisse de l’indice, est-ce toujours possible ?
Ce n’est plus possible puisque, dans un arrêt remarqué daté du 14 janvier 2016, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a définitivement interdit ce type de pratique : non seulement ce n’est pas négociable dans le cadre d’un bail en cours de projection, mais plus encore, si l’on constate une clause de ce type dans un bail en cours, il convient absolument de la neutraliser.
En effet, le maintien (abusif) de cette clause dans un bail peut permettre au locataire d’invoquer la nullité intégrale de la clause d’indexation annuelle du loyer et, si son préjudice est avéré, de réclamer au bailleur les sommes indûment versées au titre des cinq dernières années !…
Dès lors, une deuxième solution a pu être mise en œuvre, à travers la négociation d’une clause d’indexation qui interdisait au loyer de baisser en dessous d’un certain plancher tel que le loyer d’origine … Et il est vrai que, jusqu’à présent, la jurisprudence n’avait pas totalement remis en cause ce type de pratique.
Mais tel n’est plus le cas depuis un arrêt remarqué du 11 Mars 2021, émanant toujours de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, lequel vient d’invalider définitivement ce type de pratique.
Alors un dernier espoir pour les bailleurs consiste, pour l’instant, à négocier le maintien de l’ICC au titre de l’indexation annuelle des loyers (qui performe relativement bien), mais comme dit le vieil adage c’est « reculer pour mieux sauter », car lors de la future révision triennale, le locataire sera totalement fondé à invoquer la révision triennale, d’autant plus à la baisse, car seul l’ILC ou l’ILAT peut s’appliquer à ce moment-là !… Et leur amélioration n’est pas objectivement envisageable à court terme …
Cette situation historique, qui résulte il est vrai de paramètres sanitaires et économiques « hors normes », n’est pas forcément de nature à simplifier le cadre actuel des négociations du bail commercial : c’est bien la raison pour laquelle, il me semble, l’intervention des spécialistes du conseil en immobilier d’entreprise est alors d’autant plus préconisée.